3.1.09

Emil Node










Emil Nolde est LE grand peintre allemand du XXe siècle, méconnu en France. Pour combler cette lacune, le Grand Palais lui consacre une première rétrospective : 90 toiles et 70 aquarelles, gravures et dessins à découvrir. Avec ses corps jaunes, ses cheveux verts, ses cieux rouges largement étalés sur la toile, Nolde est un "maître de la couleur" explique Sylvain Amic, commissaire de cette exposition. Il sera d'ailleurs invité en 1906 à rejoindre le groupe expressionniste Die Brücke, réunissant Kirchner ou Pechstein, qui souhaite accueillir ses "tempêtes de couleurs".

Mais Nolde est un peintre solitaire et indépendant. Il quittera le groupe un an après mais restera considéré comme le chef de file des expressionnistes et leur représentant majeur. Ce fils de paysans profondément attaché à sa terre du Schleswig-Holstein, à la frontière danoise, a "voulu faire naître une peinture allemande, une peinture qui incarne le génie propre à une nation", dans la lignée du romantisme et loin des "sucreries", disait-il, de l'impressionnisme. Même si parfois son oeuvre fait profondément penser à Van Gogh.

De là son adhésion au parti nazi en 1934 ? Il "adhère en fait à une association de fermiers de sa région, d'inspiration nazie, qui sera rattachée ensuite au parti nazi", explique M. Amic. Mais cela ne lui épargnera pas d'être publiquement diffamé et de figurer en 1937, avec 48 de ses oeuvres parmi les principaux exposants de l'art dit dégénéré. Refusant toutefois de se soumettre, le vieil homme se voit alors interdit en 1941 de peindre et d'acheter des fournitures en 1941. Surveillé par la Gestapo, âgé de 70 ans, il peindra tout de même, en cachette, des aquarelles. Un millier de ses toiles ont été confisquées, certaines brûlées, d'autres vendues aux enchères. Après guerre, Nolde jouira d'une reconnaissance mondiale et mourra en 1956 à l'âge de 89 ans.

L'exposition du Grand Palais propose un parcours à la fois chronologique et thématique - la mer, les tableaux religieux, l'attrait pour l'art primitif, etc. - dans une scénographique claire de salles et de cabinets séparés. Sa première grande peinture, "Les géants de la montagne", contient déjà les germes de son art : un "intérêt pour le monde fantastique des trolls et des êtres mi-humains, mi-merveilleux, la monumentalité de la figure, la couleur, la frontalité", dit M. Amic. Son chef-d'oeuvre, le triptyque de "La vie du Christ", rassemble plusieurs panneaux contant la naissance, l'adoration des mages, le baiser de Judas, etc., avec en son centre La Crucifixion. Le corps du Christ est jaune, comme il le fut dans une toile de Gauguin, qu'il admire. Les rois mages ont l'air de paysans russes. "Il saisit ce que la religion a d'universel", dit le commissaire. Nolde sait aussi se faire grinçant, en caricaturant les spectateurs des cabarets de Berlin, s'adoucit en peignant les "sauvages", tout de noblesse, de Nouvelle-Guinée. Ses "Tournesols" tiennent du Van Gogh mais sa palette se fait d'huile pour évoquer les paysages de son nord natal. Dans ses marines, splendides vagues quasi monochromes, il "arrive aux portes de l'abstraction mais choisit de ne pas aller au delà".

Après Paris, l'exposition sera accueillie au musée Fabre de Montpellier, de février à mai 2009.

Ariane Schwab

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